« Exhibit B », une évocation des « zoos humains » qui scandalise (2024)

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  • Scènes

ParFabienne Darge

Publié le 27 novembre 2014 à 14h25, modifié le 19 août 2019 à 14h11

Temps de Lecture 3 min.

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« Exhibit B », une évocation des «zoos humains» qui scandalise (1)

Une femme, dite la « Vénus noire », tournant sur un podium, exhibée aux regards comme un phénomène de foire. Une « odalisque » assise nue sur le lit de la chambre d’un officier français à Brazzaville, chaîne au cou. Une autre femme, tenant dans ses mains un panier rempli des mains coupées par le colonisateur belge aux esclaves qui ne rapportaient pas leur quota de latex…

Depuis 2010, l’artiste sud-africain, blanc de peau, Brett Bailey, à la fois metteur en scène et plasticien, présente dans toute l’Europe Exhibit B, une série de douze tableaux-performances représentant des scènes issues de l’histoire coloniale et postcoloniale. Troublante, dérangeante, l’œuvre l’est d’autant plus que les performeurs noirs présents dans ces tableaux vivants mettent le spectateur/visiteur (blanc, en grande majorité) en position de voyeur : obligé de regarder en face une histoire coloniale encore mal digérée. Mais obligé, aussi, de regarder ces performeurs noirs (amateurs, et recrutés localement) comme leurs ancêtres l’ont été dans les « zoos humains » et les foires jusqu’au début du XXe siècle.

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« Exhibit B », une évocation des «zoos humains» qui scandalise (2)

Depuis quatre ans, l’installation a été présentée un peu partout en Europe, à Vienne (Autriche), à Bruxelles, à Avignon (Le Monde du 15 juillet 2013), à Paris (au 104, en novembre 2013), sans faire l’objet de polémiques. Partout elle a été un choc émotionnel. Le public n’avait – à juste titre – pas le moindre doute sur le sens du message délivré par l’artiste quant à l’idéologie colonialiste.

Mais à Berlin, déjà, en octobre 2012, certaines formations d’extrême-gauche se sont émues de la position dans laquelle se retrouvaient les performeurs. La controverse a véritablement commencé quand Exhibit B est arrivé au Royaume-Uni, au Festival d’Edimbourg en août, puis à Londres, où l’installation devait être présentée au Barbican Centre en septembre, et où elle a été déprogrammée à la suite de pressions accusant l’œuvre de racisme.

« Exhibit B », une évocation des «zoos humains» qui scandalise (3)

Une pétition pour interdire l’œuvre

En France, où Exhibit B doit à nouveau être présenté, à partir de jeudi 27 novembre, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis puis au 104 (après Poitiers, où elle a été montrée dans le calme du 14 au 16 novembre), la polémique a commencé de manière larvée en octobre, avant de prendre ces derniers jours des proportions beaucoup plus importantes. Une pétition lancée sur Internet par John Mullen, un « militant anticapitaliste », et visant à faire interdire l’œuvre, a recueilli plus de vingt mille signatures. Une manifestation est prévue ce jeudi à Saint-Denis devant le Théâtre Gérard-Philipe, dans le but, pour une partie au moins des participants, d’empêcher l’ouverture de l’installation.

Exhibit B, que la plupart des personnes à l’origine de ce mouvement n’ont pas vu, provoque de vifs débats notamment dans la communauté noire. Il y a ceux qui dénient purement et simplement à Brett Bailey, en tant que Blanc, de s’arroger le droit de faire œuvre à partir de l’histoire des Noirs. Et il y a ceux qui s’interrogent sur la position dans laquelle sont mis les performeurs noirs ainsi « exhibés » au regard.

« Exhibit B », une évocation des «zoos humains» qui scandalise (4)

Or c’est bien cette question du regard qui doit être au centre de toute réflexion sur l’œuvre. Il faut avoir vu Exhibit B, et pas seulement les photos qui en ont été publiées dans la presse ou sur Internet, pour comprendre à quel point tout ici se joue sur l’échange de regards entre les spectateurs et les performeurs. Et dans tous les cas, il faut bien avoir vu l’installation pour pouvoir juger des effets qu’elle produit. L’interdiction d’une œuvre n’est jamais le meilleur moyen de susciter un débat toujours salutaire.

Exhibit B, par Brett Bailey. Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, du 27 au 30 novembre. Au 104, à Paris, du 7 au 14 décembre. www.theatregerardphilipe.com et www.104.fr

Fabienne Darge

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